18 août 2025
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Catégories: veille
33 min de lecture

Veille S33 2025 - Semaine d'escalade géopolitique : de la fermeture CATL à l'opacification des quotas chinois

Table des matières

Introduction

La semaine du 11 au 15 août 2025 est un exemple marquant de la géopolitique des minerais critiques. Initiée par le choc de la fermeture d’une mine stratégique de CATL en Chine, elle a révélé une escalade progressive des tensions sino-occidentales culminant avec la décision de Pékin de rendre secrets ses quotas annuels de terres rares. Cette séquence d’événements illustre la transformation des minerais critiques en véritables armes géopolitiques, redéfinissant les équilibres de pouvoir mondiaux.

L’onde de choc initiale du lundi, provoquée par la suspension réglementaire d’une mine de lithium représentant une part significative de l’offre mondiale, a déclenché une série de réactions en chaîne touchant l’ensemble de l’écosystème. Les marchés ont immédiatement intégré cette nouvelle donne avec des hausses de prix importantes, tandis que les gouvernements occidentaux ont accéléré leurs stratégies de diversification et d’indépendance minérale.

Cette dynamique s’est amplifiée tout au long de la semaine avec l’intensification de la guerre tarifaire, les États-Unis élargissant leurs droits de douane sur l’acier et l’aluminium à plus de 400 nouveaux codes produits, provoquant des tensions commerciales accrues avec leurs partenaires. Parallèlement, les initiatives d’indépendance stratégique se sont multipliées, de la réserve australienne de 1,2 milliard de dollars aux investissements américains approchant le milliard dans les chaînes d’approvisionnement nationales.

Le point d’orgue de cette escalade est survenu vendredi avec la décision chinoise de rendre secrets ses quotas de terres rares, rompant avec plus d’une décennie de transparence relative. Cette opacification stratégique, accompagnée de mises en garde explicites contre le stockage occidental, conforme cette nouvelle ère où l’incertitude devient elle-même une arme géopolitique.

Les faits marquants de la semaine

• Lundi 11 août : CATL suspend une mine de lithium stratégique en Chine, provoquant un choc d’offre immédiat et une hausse des prix de 8% [1][2]

• Mardi 12 août : Intensification des tensions commerciales avec des fermetures minières en cascade et des repositionnements industriels majeurs [3][4]

• Mercredi 13 août : Accord historique USA-Chine sur les terres rares avec licences temporaires, accompagné d’une vague de consolidations industrielles [5][6]

• Jeudi 14 août : Investissements massifs américains d’un milliard de dollars pour l’indépendance minérale et partenariat stratégique Pentagone-MP Materials [7][8]

• Vendredi 15 août : Escalade géopolitique majeure avec l’opacification des quotas chinois de terres rares et intensification des tensions commerciales [9][10]

• Volatilité des prix : Terres rares en hausse de 20-42%, lithium +8%, cuivre sous pression tarifaire avec déficits projetés [11][12]

• Consolidations stratégiques : Partenariats Hudbay-Mitsubishi (600M$), JV Ganfeng-Lithium Argentina, alliances Ouzbékistan-Europe [13][14]

• Innovations technologiques : Percées chinoises sur les batteries 600 Wh/kg, brevets congolais, technologies nano-WC [15][16]

• Réserves stratégiques : Australie (1,2Md$), initiatives américaines, partenariats Pentagone avec prix planchers garantis [17][18]

1. Géopolitique et réglementation

L’arme chinoise des minerais critiques : de la fermeture CATL à l’opacification des quotas

La semaine a révélé l’ampleur de l’arsenal géopolitique chinois dans le domaine des minerais critiques. L’épisode initial de la fermeture de la mine de lithium de Jianxiawo par CATL, officiellement pour expiration de permis, a démontré la capacité de Pékin à déstabiliser les marchés mondiaux par des décisions réglementaires apparemment techniques [1][2]. Cette suspension, retirant 65 000 tonnes annuelles du marché mondial, s’inscrit dans une stratégie plus large de gestion des surcapacités industrielles tout en maintenant un contrôle strict sur l’offre.

L’escalade s’est poursuivie tout au long de la semaine pour culminer vendredi avec une décision forte de symboles : la Chine a rendu secrets ses quotas annuels d’extraction et de raffinage des terres rares pour la première fois depuis plus d’une décennie [9]. Cette rupture avec la transparence relative maintenue depuis 2014 marque un tournant géopolitique majeur. Pékin a transmis discrètement les quotas à deux grands opérateurs d’État en précisant que ces informations constituent désormais des “informations de sécurité”.

Cette opacification stratégique s’accompagne d’une mise en garde explicite aux entreprises occidentales contre le stockage de terres rares [10]. Pékin menace de provoquer des pénuries encore plus importantes si les entreprises occidentales persistent dans leurs stratégies de constitution de stocks de sécurité. Cette position révèle la volonté chinoise d’utiliser sa position dominante comme levier de pression géopolitique, transformant l’incertitude elle-même en arme stratégique.

Escalade tarifaire transatlantique et fragmentation des chaînes d’approvisionnement

L’administration Trump a considérablement intensifié sa politique protectionniste au cours de la semaine. Les États-Unis ont d’abord doublé les droits de douane sur l’aluminium tout en exemptant le cuivre [19][20], révélant une approche sélective basée sur des critères stratégiques spécifiques. Cette asymétrie interroge sur les arbitrages industriels sous-jacents et les priorités de sécurité nationale américaines.

L’escalade s’est amplifiée avec l’élargissement des tarifs sur l’acier et l’aluminium à 407 nouveaux codes produits, visant les produits dérivés contenant ces métaux [21]. Cette extension marque une intensification de la politique protectionniste américaine, touchant désormais un spectre beaucoup plus large de l’économie et provoquant des tensions commerciales accrues avec les partenaires traditionnels.

Cette guerre tarifaire produit des effets paradoxaux sur certains acteurs. Le fabricant chinois de tubes en cuivre Zhejiang Hailiang voit ses perspectives s’améliorer grâce à sa présence industrielle aux États-Unis, illustrant comment la fragmentation des chaînes mondiales peut créer des gagnants inattendus [23]. Parallèlement, le PDG d’U.S Metal Powders alerte sur l’effet contre-productif des tarifs de 50% sur l’aluminium, qui ont fait bondir les prix de 1,25 à 1,80 dollar en quelques mois [24].

Stratégies d’indépendance et diversification : la course aux alternatives

Face à cette escalade, les puissances occidentales accélèrent leurs stratégies d’indépendance minérale. L’Australie franchit une nouvelle étape avec l’engagement de 1,2 milliard de dollars australiens pour établir une Réserve stratégique de minerais critiques, opérationnelle au second semestre 2026 [25]. Cette initiative comprend des accords nationaux de prélèvement et un stockage sélectif de minerais critiques pour la vente sur les marchés mondiaux ou aux partenaires stratégiques.

Les États-Unis déploient une stratégie multifacette avec près d’un milliard de dollars de financement pour accélérer le développement des minerais critiques et matériaux [26]. Le ministère de l’Énergie prévoit 500 millions de dollars pour étendre le traitement américain des minerais critiques, 135 millions pour soutenir la chaîne d’approvisionnement interne en éléments de terres rares, et 250 millions d’assistance financière pour les installations productrices de sous-produits minéraux.

Le partenariat stratégique entre le Pentagone et MP Materials illustre cette nouvelle approche [27]. L’investissement de 400 millions de dollars du ministère de la Défense, donnant une participation de 15%, s’accompagne d’un prix plancher de 110 dollars par kilogramme pour l’oxyde de néodyme-praséodyme, soit près du double des taux de marché chinois actuels. Cette garantie de prix répond à un défi historique du secteur américain des terres rares, où les tactiques chinoises de suppression des prix ont découragé l’investissement national.

L’Inde poursuit sa propre stratégie avec un partenariat stratégique entre GAIL et Hindustan Copper pour développer la production nationale de cuivre et de minerais critiques [28]. L’accord illustre la volonté de New Delhi de réduire sa dépendance vis-à-vis des importations, particulièrement dans un contexte où l’industrie réfractaire indienne, dépendante des minerais de terres rares, fait face au double défi du contrôle chinois de 90% de l’approvisionnement en magnésium et des tarifs américains menaçant 5 milliards de dollars d’exportations indiennes [29].

L’Inde négocie activement avec la Chine pour sécuriser sa chaîne d’approvisionnement en aimants de terres rares [61], révélant la complexité des interdépendances même dans un contexte de tensions géopolitiques. Les exportations chinoises continuent de croître malgré la baisse des échanges commerciaux avec les États-Unis, les terres rares alimentant les tensions [62]. Cette situation illustre la capacité de Pékin à maintenir sa position dominante tout en naviguant dans un environnement géopolitique fragmenté.

L’expérience japonaise offre des leçons cruciales pour les stratégies occidentales. La Chine a précédemment exercé des pressions sur le Japon concernant les terres rares, constituant un précédent instructif pour les États-Unis [63]. Malgré des investissements massifs depuis 2010, le Japon reste dépendant à 70% de la Chine, illustrant la difficulté de réduire cette dépendance structurelle. Cependant, certains analystes estiment que le pouvoir chinois sur les terres rares n’est pas aussi absolu qu’il n’y paraît [64], pointant vers des vulnérabilités potentielles dans la stratégie de Pékin.

Les retombées tarifaires de l’administration Trump créent des opportunités de dialogue sino-indien, avec des discussions commerciales à l’horizon portant sur les terres rares critiques, les fertilisants et les produits pharmaceutiques [65]. Cette dynamique révèle comment les tensions bilatérales USA-Chine créent des espaces de coopération pour d’autres acteurs régionaux.

Négociations et accords temporaires : la diplomatie des minerais critiques

Paradoxalement, cette escalade s’accompagne d’initiatives diplomatiques ponctuelles. La Chine a accordé des licences d’exportation temporaires aux fournisseurs des trois principaux constructeurs automobiles américains avant les négociations commerciales prévues au Royaume-Uni [30]. Le ministère du Commerce chinois a confirmé l’approbation de certaines demandes d’exportation sans préciser les pays ou industries concernés, tout en accélérant les approbations pour les exportateurs qualifiés vers l’Europe.

Cette approche sélective révèle la finesse de la stratégie chinoise, alternant pression et concessions tactiques pour maintenir son influence tout en évitant une rupture complète des chaînes d’approvisionnement. La prolongation de la trêve commerciale sino-américaine sur le cuivre, offrant un répit aux marchés malgré des perspectives d’offre croissante, illustre cette diplomatie des minerais critiques [31].

L’Ouzbékistan émerge comme acteur stratégique en rejoignant l’Alliance européenne des matières premières (ERMA) et l’Institut canadien des minerais critiques (CMI) [32]. Cette double alliance positionne Tachkent non seulement comme fournisseur de ressources mais comme partenaire axé sur l’innovation dans l’industrie mondiale, illustrant la recomposition géographique des approvisionnements en cours.

Impacts sectoriels et réorientations industrielles

Cette reconfiguration géopolitique produit des effets sectoriels contrastés. Century Aluminum relance sa production en Caroline du Sud en invoquant les droits de douane décidés par l’administration Trump [33], illustrant les bénéfices potentiels du protectionnisme pour certains producteurs américains. Cependant, les inventaires de cuivre sur le Comex atteignent un record historique de 100 jours consécutifs de hausse, reflétant l’impact des politiques tarifaires sur les flux commerciaux [34].

Au Panama, la chambre de commerce appelle à la réouverture de la mine de Cobre Panamá pour contrer la montée du chômage, révélant les tensions entre impératifs géopolitiques et réalités économiques locales [35]. Le Pakistan prépare une stratégie visant à attirer des investissements américains dans ses gisements de cuivre, avec Barrick Mining sollicitant 3,5 milliards de dollars auprès de bailleurs internationaux pour un projet majeur [36].

Cette semaine marque ainsi un tournant dans la géopolitique des minerais critiques, avec la transformation de ressources industrielles en véritables armes stratégiques. L’opacification chinoise des quotas de terres rares, combinée à l’escalade tarifaire transatlantique, inaugure une nouvelle ère d’incertitude structurelle où la prévisibilité des approvisionnements devient elle-même un enjeu de souveraineté nationale.

2. Industrie et projets

Le choc CATL : catalyseur d’une recomposition industrielle

La suspension de la mine de lithium de Jianxiawo par CATL constitue l’événement industriel déclencheur de la semaine [37][38]. Cette fermeture, officiellement motivée par l’expiration d’un permis d’exploitation, retire 65 000 tonnes annuelles du marché mondial, soit une part significative de l’offre chinoise. L’impact immédiat sur les marchés, avec une hausse de 8% des contrats à terme sur le carbonate de lithium, révèle la sensibilité extrême des chaînes d’approvisionnement mondiales aux décisions réglementaires chinoises [39].

Cette suspension s’inscrit dans un contexte plus large de gestion des surcapacités industrielles par Pékin, mais ses répercussions dépassent largement le cadre réglementaire initial. Les producteurs australiens de lithium ont immédiatement bénéficié de cette situation, leurs actions s’envolant sur l’anticipation d’un resserrement de l’offre mondiale [40]. UBS a révisé à la hausse ses prévisions de prix du lithium, anticipant des augmentations de 5 à 27% selon les segments et la période [41].

L’onde de choc s’est propagée à l’ensemble de l’écosystème des batteries électriques. Les constructeurs automobiles, déjà confrontés à la volatilité des approvisionnements, ont dû recalibrer leurs stratégies d’achat et accélérer leurs initiatives de diversification. Cette situation illustre la vulnérabilité structurelle d’une industrie encore largement dépendante des décisions chinoises, malgré les efforts de diversification des dernières années.

Consolidations stratégiques et partenariats d’envergure

La semaine a été marquée par une vague de consolidations industrielles d’une ampleur remarquable. Le partenariat entre Hudbay Minerals et Mitsubishi Corporation pour 600 millions de dollars sur le projet Copper World illustre cette dynamique [42][43]. Cette alliance stratégique vise à produire 85 000 tonnes de cuivre annuellement sur 20 ans, avec un taux de rendement interne (TRI) de 90% qui reflète l’optimisation financière et l’alignement avec les priorités stratégiques américaines.

Le projet créera 1 000 emplois de construction et générera 850 millions de dollars de recettes fiscales, démontrant l’impact économique local de ces investissements stratégiques [44]. Cette initiative s’inscrit dans la stratégie mondiale de diversification des approvisionnements en métaux industriels critiques, particulièrement dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes.

La joint-venture entre Ganfeng Lithium et Lithium Argentina pour 1,8 milliard de dollars marque une consolidation majeure dans le secteur lithifère sud-américain [45]. Cette alliance vise à consolider trois projets de saumure lithifère en utilisant une approche hybride combinant évaporation solaire et extraction directe (DLE). Cette technologie pourrait réduire les coûts de production à 3 000 dollars par tonne, soit 30% de moins que la moyenne sectorielle, révolutionnant potentiellement l’économie de l’extraction lithifère.

Les fusions et acquisitions se multiplient dans tous les segments. Piedmont Lithium reporte au 22 août le vote sur sa fusion avec Sayona Mining, RCF prolongeant son accord jusqu’au 31 décembre [46]. ExGen Resources et MTB Metals signent une lettre d’intention pour créer une société d’exploration diversifiée cuivre-or-lithium [47]. Callinex Mines opère un repositionnement stratégique en changeant de nom pour “Visionary Copper and Gold Mines” avec le symbole VCG, illustrant la course à la visibilité dans les métaux critiques [48].

Découvertes majeures et expansion géographique

L’exploration minière a livré plusieurs découvertes significatives au cours de la semaine. White Cliff Minerals annonce une découverte majeure de cuivre sédimentaire au projet Rae au Canada, étendant ses concessions de 950 km² [49][50]. Cette découverte, la première de cette ampleur depuis plusieurs décennies selon les analystes, confirme le potentiel d’expansion des ressources canadiennes.

Magna Terra découvre une minéralisation cuprifère significative avec des teneurs de 1,26% Cu au projet Humber sur 1 km de longueur [51]. Ces découvertes s’ajoutent aux résultats de Gladiator Metals qui a identifié une zone de cuivre à haute teneur de 180 mètres de largeur sous 200 mètres de profondeur au projet Cowley [52]. Freehill Mining révèle des teneurs exceptionnelles allant jusqu’à 4,0% de cuivre et 1,71g/t d’or au projet El Dorado au Chili [53].

Viscount Mining dévoile une découverte prometteuse de cuivre-or au projet Passiflora [66], ajoutant aux succès d’exploration de la semaine. Nicola Mining avance sur le nouveau projet cuprifère de Craigmont alors que le boom de l’IA et la montée en puissance des centres de données stimulent la demande de cuivre [67]. Ces développements illustrent l’accélération de l’exploration motivée par les perspectives de demande liées à la transition énergétique et à la révolution numérique.

L’expansion géographique se poursuit avec Lindian Resources qui triple la superficie de ses concessions en terres rares au Malawi, consolidant sa position sur un marché où la Chine reste dominante [54]. En Espagne, Denarius Metals prévoit la relance de la seule mine de nickel du pays, avec un objectif de 70 000 tonnes annuelles d’ici 2026 [55]. Ces projets illustrent une dynamique soutenue d’expansion hors d’Asie pour sécuriser l’accès aux minerais critiques.

Global Lithium scelle un accord de titre minier autochtone pour le projet lithifère de Manna [68], témoignant de l’importance croissante des partenariats avec les communautés locales dans le développement minier. Cependant, le secteur fait face à des défis, comme l’illustre la mise sous administration d’Energy Renaissance, le premier fabricant australien de batteries lithium [69], révélant les difficultés de développement industriel même dans des pays riches en ressources.

Développements technologiques et industriels

La Tanzanie et la Chine établissent une usine de traitement du nickel et du cuivre à Ntaka d’ici 2025 [56]. Ce projet, fruit d’un partenariat entre Stamico de Tanzanie et le groupe chinois Ningbo Shuangneng, fait partie d’un plan à long terme pour développer l’extraction et le traitement à grande échelle de minerais stratégiques. Vingt-quatre des 38 conteneurs d’équipement industriel sont déjà arrivés dans le pays, témoignant de l’avancement concret du projet.

Chariot Corporation annonce des changements stratégiques dans son conseil d’administration pour stimuler l’expansion de ses projets lithifères [57]. L’entreprise, qui opère des projets lithifères au Nigeria et aux États-Unis, vise à capitaliser sur la demande croissante du marché chinois. Ces restructurations organisationnelles reflètent l’adaptation des entreprises aux nouvelles réalités du marché.

Perturbations et ajustements industriels

L’industrie a dû faire face à plusieurs perturbations significatives. L’accident à la mine El Teniente coûte 20 000 à 30 000 tonnes de cuivre à Codelco, illustrant la vulnérabilité des opérations minières aux incidents techniques [58]. Cette perte de production, bien que temporaire, contribue aux tensions sur l’offre mondiale de cuivre dans un contexte de demande soutenue.

Au Panama, la chambre de commerce appelle à la réouverture de la mine de Cobre Panamá pour contrer la montée du chômage [59]. Cette situation révèle les tensions entre impératifs géopolitiques et réalités économiques locales, particulièrement dans les pays dépendants de l’industrie minière pour leur développement économique.

L’Australie révèle un potentiel non réalisé considérable avec plus de 75% de ses gisements de minerais critiques non développés malgré sa position de leader mondial sur le lithium et de producteur top 5 pour le manganèse, le cobalt, le nickel et les éléments de terres rares [60]. Cette situation illustre les défis de financement et de développement que rencontrent même les pays dotés de ressources abondantes.

Innovations dans l’extraction et le traitement

L’innovation technologique progresse sur plusieurs fronts. ReElement Technologies met au point un procédé permettant d’obtenir du germanium de pureté supérieure à 99,9%, destiné aux applications de défense [61]. Cette avancée répond aux besoins critiques de l’industrie de la défense américaine pour des matériaux de haute pureté.

Chalice Mining réalise une percée sur le gisement de Julimar en Australie, avec des implications significatives sur la production de platine et de nickel [62]. Ces développements technologiques visent à optimiser l’extraction et le traitement des minerais critiques, réduisant les coûts et améliorant les rendements.

La recherche sur la seconde vie des batteries lithium-ion progresse au Chili, explorant des solutions pour réduire le gaspillage et optimiser le cycle de vie des composants [63]. Ces initiatives s’inscrivent dans une approche d’économie circulaire visant à réduire la dépendance aux matières premières vierges.

Cette semaine marque ainsi une accélération de la recomposition industrielle du secteur des minerais critiques, avec des consolidations stratégiques majeures, des découvertes significatives et des innovations technologiques prometteuses. Cependant, la persistance de la dépendance chinoise, illustrée par l’impact du choc CATL, souligne les défis structurels que l’industrie mondiale doit encore surmonter pour atteindre une véritable diversification des approvisionnements.

3. Innovation et R&D

Percées technologiques dans les batteries et l’extraction

L’innovation technologique a connu de belles avancées au cours de la semaine, particulièrement dans le domaine des batteries lithium. La Chine réalise une percée importante avec l’équipe de recherche de l’Université de Tianjin qui développe le modèle Battery600 avec une densité énergétique supérieure à 600 Wh/kg et le module Pack480 avec 480 Wh/kg [64]. Cette recherche marque un bond de 2 à 3 fois en termes de densité énergétique et de temps d’utilisation par rapport aux batteries lithium-ion actuelles.

L’innovation clé réside dans la conception d’électrolyte décentralisé qui crée un microenvironnement de dissolution optimisant les performances globales de l’électrolyte [65]. Cette nouvelle méthode équilibre efficacement les structures de solvatation dominées par les solvants et les anions, réduit les barrières cinétiques et stabilise l’interface entre l’électrode et l’électrolyte. L’équipe a désormais réalisé des progrès significatifs dans la commercialisation avec une ligne pilote de production opérationnelle.

En République démocratique du Congo, l’invention de la batterie “lithium ION” par Sandrine Mubenga, directrice générale de l’Autorité de régulation du secteur de l’électricité, a été acquise par le gouvernement congolais [66]. Cette technologie, appelée “Efficiency Measuring Apparatus” (EMA), constitue une première mondiale selon son auteure et témoigne de l’émergence de l’innovation africaine dans les technologies critiques.

Innovations dans les alliages et matériaux avancés

Les recherches en science des matériaux progressent avec des développements prometteurs pour améliorer la résistance à l’usure et à la corrosion. Une recherche récente démontre l’efficacité de la technologie composite nano-WC pour améliorer les propriétés du bronze d’aluminium [67]. L’ajout de nano WC comme phase de renforcement améliore la microdureté de 13,87% grâce à l’influence synergique du mécanisme Hall-Petch, du renforcement par diffusion et du renforcement en solution solide.

Cette innovation réduit le coefficient de friction moyen de 0,287 à 0,276, entraînant une diminution de 65% du volume d’usure pour la couche de revêtement composite [68]. La densité de courant de corrosion chute de 73% tandis que la résistance à la polarisation augmente de 52%, l’inclusion de nano WC aidant à former des agrégats dans les films de passivation Cu2O et Al2O3.

Les recherches en chimie des complexes métalliques avancent avec le développement de nouveaux complexes de base de Schiff N,O de nickel(II), cuivre(II) et zinc(II) [69]. Ces complexes présentent une stabilité thermique jusqu’à environ 150°C avec des bandes interdites HOMO-LUMO allant de 3,4 à 3,7 eV. Les complexes de zinc(II) montrent une activité antifongique et antibactérienne notable, ouvrant des perspectives d’applications médicales.

Programmes de recherche et développement institutionnels

Rock Tech collabore avec l’université RWTH Aachen sur le projet ELiSePro doté de 250 000 euros pour optimiser l’extraction du lithium par nanofiltration et déionisation capacitive [70]. L’entreprise bénéficie également de 800 000 euros du programme KAVA pour développer la conversion du spodumène à Guben, illustrant l’engagement européen dans l’innovation minière.

L’administration Trump mobilise des ressources significatives pour l’innovation avec le programme CMM Accelerator doté de 50 millions de dollars ciblant les aimants de terres rares, le raffinage du gallium-germanium et l’extraction directe du lithium [71]. ARPA-E développe le programme RECOVER avec 40 millions de dollars pour récupérer les minerais des eaux usées industrielles, témoignant d’une approche innovante de l’économie circulaire.

ReElement Technologies réalise une percée dans la production de germanium ultra-pur avec des niveaux de pureté supérieurs à 99,9%, destiné aux applications de défense [72]. Cette avancée répond aux besoins critiques de l’industrie de la défense américaine pour des matériaux de haute pureté, particulièrement dans les semi-conducteurs et l’optique.

Innovations dans l’exploration et l’extraction

Chalice Mining réalise une percée significative sur le gisement de Julimar en Australie, développant de nouvelles techniques d’exploration pour les gisements de platine et de nickel [73]. Ces innovations méthodologiques permettent d’identifier des ressources précédemment inaccessibles, élargissant le potentiel d’extraction australien.

Les chercheurs chiliens explorent la seconde vie des batteries lithium-ion, développant des solutions pour réduire le gaspillage et optimiser le cycle de vie des composants [74]. Ces recherches s’inscrivent dans une approche d’économie circulaire visant à réduire la dépendance aux matières premières vierges tout en valorisant les déchets industriels.

De nouvelles recherches révèlent les bénéfices environnementaux du recyclage des batteries lithium [70], démontrant le potentiel de réduction de l’empreinte carbone de l’industrie. L’innovation dans le recyclage des batteries lithium joue un rôle crucial dans l’innovation durable [71], offrant des perspectives de récupération de matériaux critiques à partir de flux de déchets.

L’exploitation du potentiel intérieur par le recyclage des batteries lithium pour un avenir durable [72] devient une priorité stratégique. Ces initiatives technologiques visent à créer des boucles fermées dans l’économie des batteries, réduisant la pression sur l’extraction primaire tout en sécurisant les approvisionnements.

ION sécurise une subvention de 3,9 millions de dollars pour construire une usine pilote de recyclage des métaux, ouvrant potentiellement la voie à l’intégration des terres rares aux États-Unis [75]. Cette initiative illustre l’émergence de technologies de recyclage avancées capables de récupérer des minerais critiques à partir de flux de déchets industriels.

Les incertitudes sur les prix du lithium dues au développement de la technologie des batteries sous l’objectif de neutralité carbone [73] soulignent l’importance de l’innovation technologique dans la stabilisation des marchés. Ces recherches académiques contribuent à une meilleure compréhension des dynamiques de marché dans un contexte de transition énergétique accélérée.

4. Marché et chiffres

Volatilité extrême et recomposition des prix

La semaine a été caractérisée par une volatilité exceptionnelle des prix des minerais critiques, déclenchée par le choc initial de la fermeture CATL. Les contrats à terme sur le carbonate de lithium ont bondi de 8% immédiatement après l’annonce, avec une flambée des prix spot soutenue par un sentiment de rareté sur le marché [76][77]. Cette réaction révèle la sensibilité extrême des marchés à toute variation de l’offre chinoise.

Les prix des terres rares ont affiché une progression spectaculaire tout au long de la semaine. L’oxyde de néodyme-praséodyme (NdPr), essentiel pour les aimants haute performance, a progressé de plus de 20% depuis janvier pour atteindre 89,74 dollars américains par kilogramme au 10 août [78]. Le dysprosium et le terbium, terres rares lourdes conférant aux aimants leurs performances haute température, ont enregistré des hausses respectives de 29% et 42% depuis le début de l’année, atteignant environ 198 dollars/kg et 1 983 dollars/kg.

Cette progression des prix, sans atteindre des niveaux de panique, révèle le retour d’une prime de risque géopolitique significative sur les métaux magnétiques [79]. L’opacification des quotas chinois annoncée vendredi a amplifié cette tendance, le marché s’interrogeant sur les intentions réelles de Pékin concernant l’offre future.

Dynamiques contrastées du marché du cuivre

Le marché du cuivre a présenté des dynamiques plus nuancées. Le cuivre de Shanghai a terminé la semaine en progression, soutenu par les préoccupations liées à l’offre zambienne et les solides résultats semestriels d’Antofagasta [80]. Le contrat sur le Shanghai Futures Exchange a affiché une hausse hebdomadaire de 0,66% malgré un léger recul vendredi.

Les fonderies chinoises de cuivre n’obtiennent qu’un soulagement à court terme sur leurs marges [74], illustrant les pressions structurelles sur l’industrie de transformation. Le cuivre recule avant la publication de données clés en Chine, mais les inquiétudes sur l’offre soutiennent les prix [75], révélant la sensibilité du marché aux indicateurs économiques chinois.

Les inventaires de cuivre sur le Comex ont atteint un record historique de 100 jours consécutifs de hausse, reflétant l’impact des politiques tarifaires sur les flux commerciaux [81]. Cette accumulation paradoxale de stocks intervient dans un contexte de déficit structurel projeté, avec des prévisions de 53 000 tonnes métriques en 2025 et 87 000 tonnes métriques en 2026 [82].

La production cuprifère zambienne, deuxième producteur africain, a atteint 439 644 tonnes au premier semestre selon le ministre des Mines [76], mais a diminué au deuxième trimestre, mettant en péril l’objectif du pays d’atteindre une production d’un million de tonnes métriques en 2025 [83]. Cette baisse implique que la Zambie devra augmenter sa production de 27% au second semestre pour atteindre son objectif, alimentant les inquiétudes sur l’offre mondiale.

Impacts financiers et valorisations sectorielles

Les producteurs australiens de lithium ont immédiatement bénéficié de la situation chinoise, leurs actions s’envolant sur l’anticipation d’un resserrement de l’offre mondiale [84]. Les actions lithium se redressent alors que l’arrêt de la mine CATL fait naître des perspectives d’offre plus serrée [77], illustrant la sensibilité des marchés financiers aux signaux d’offre dans un secteur caractérisé par une concentration géographique élevée.

UBS a révisé à la hausse ses prévisions de prix du lithium, anticipant des augmentations de 5 à 27% selon les segments et la période [85]. Cette révision s’appuie sur l’analyse des impacts de la fermeture CATL et des perspectives de demande soutenue liée à la transition énergétique.

American Rare Earths atteint une étape importante dans la production d’oxydes de terres rares [78], témoignant des progrès technologiques des producteurs non chinois. La capacité américaine en minerais critiques pour 2025 révèle les stratégies et défis [79] de développement d’une chaîne d’approvisionnement national.

L’administration Trump propose d’établir un prix plancher pour les terres rares afin de stimuler la production américaine [80], créant un précédent dans l’intervention gouvernementale directe sur les marchés des minerais critiques. Cette approche vise à garantir la viabilité économique des projets américains face à la concurrence chinoise.

Le secteur des terres rares a attiré des investissements significatifs avec Hall Chadwick Acquisition Corp. qui lance une introduction en bourse de 180 millions de dollars destinée à financer des projets dans les terres rares, les semi-conducteurs et l’IA [86]. Cette levée de fonds témoigne de l’attractivité croissante du secteur auprès des investisseurs institutionnels.

Le pari d’un milliard de dollars de l’Australie sur les terres rares pour défier la domination mondiale de la Chine [81] illustre l’ampleur des investissements nécessaires pour remodeler les équilibres géopolitiques. Les États-Unis souhaitent des liens commerciaux plus profonds avec le Pakistan, l’administration Trump visant les minerais critiques et les hydrocarbures [82], révélant la dimension géographique de la diversification des approvisionnements.

Financement et investissements stratégiques

L’administration Trump a mobilisé près d’un milliard de dollars pour les minerais critiques, marquant un engagement financier sans précédent [87]. Le ministère de l’Énergie prévoit 500 millions de dollars pour étendre le traitement américain des minerais critiques et la fabrication et recyclage de batteries, 135 millions pour soutenir la chaîne d’approvisionnement nationale en éléments de terres rares, et 250 millions d’assistance financière pour les installations productrices de sous-produits minéraux.

Le partenariat Pentagone-MP Materials illustre cette nouvelle approche avec un investissement de 400 millions de dollars accompagné d’un prix plancher de 110 dollars par kilogramme pour l’oxyde de néodyme-praséodyme [88]. Cette garantie, soit près du double des taux de marché chinois actuels, crée une base économique viable pour développer une capacité de production souveraine.

L’Australie engage 1,2 milliard de dollars australiens pour sa réserve stratégique de minerais critiques, opérationnelle au second semestre 2026 [89]. Cette initiative comprend des accords nationaux de prélèvement et un stockage sélectif de minerais critiques, positionnant l’Australie comme acteur majeur de la sécurisation des approvisionnements occidentaux.

Projections et tendances de marché

UBS maintient une perspective positive sur les prix du cuivre, prévoyant des niveaux supérieurs à 10 500 dollars par tonne métrique d’ici mi-2026 [90]. L’institution suggère que tout recul des prix devrait être limité et pourrait présenter des opportunités d’achat pour les investisseurs, soutenu par la demande liée à la transition énergétique et aux infrastructures d’intelligence artificielle.

Les projections de marché indiquent une persistance des déficits structurels dans plusieurs segments. Le lithium devrait bénéficier d’une demande soutenue liée à l’électrification des transports, tandis que les terres rares restent sous pression géopolitique avec l’opacification chinoise des quotas.

La volatilité devrait persister dans un contexte de fragmentation géopolitique croissante. Les marchés intègrent désormais une prime de risque géopolitique permanente, reflétant l’utilisation des minerais critiques comme armes stratégiques dans les relations internationales.

Conclusion

La semaine du 11 au 15 août 2025 marque un tournant historique dans l’écosystème des minerais critiques, révélant l’ampleur de la transformation géopolitique en cours. L’escalade progressive, du choc initial de la fermeture CATL à l’opacification inédite des quotas chinois de terres rares, illustre l’émergence d’une nouvelle ère où les ressources minérales deviennent de véritables armes stratégiques.

Cette semaine démontre la vulnérabilité structurelle des chaînes d’approvisionnement mondiales face aux décisions chinoises. La capacité de Pékin à déstabiliser les marchés par des mesures apparemment techniques révèle l’ampleur de sa domination et l’efficacité de sa stratégie de weaponisation des minerais critiques. L’opacification des quotas de terres rares, rompant avec plus d’une décennie de transparence relative, transforme l’incertitude elle-même en instrument de pression géopolitique.

La riposte occidentale, bien qu’ambitieuse avec près de 2,2 milliards de dollars d’investissements annoncés entre les États-Unis et l’Australie, révèle les défis considérables de la diversification. Les délais de développement, les coûts élevés et la complexité technologique limitent l’impact à court terme de ces initiatives. L’expérience japonaise, encore dépendante à 70% de la Chine malgré des investissements massifs depuis 2010, illustre la difficulté de réduire cette dépendance structurelle.

L’escalade tarifaire transatlantique fragmente davantage les chaînes mondiales et alimente l’inflation des coûts. Cette spirale protectionniste, particulièrement visible sur l’aluminium dont les prix ont bondi de 44% en quelques mois, menace la compétitivité industrielle occidentale tout en renforçant paradoxalement certains acteurs chinois présents sur les marchés occidentaux.

L’innovation technologique offre des perspectives prometteuses, particulièrement dans les batteries lithium où les densités énergétiques progressent spectaculairement. Cependant, ces avancées restent largement concentrées en Chine, renforçant la dépendance technologique occidentale. Les initiatives de recyclage et d’économie circulaire, bien qu’encourageantes, ne peuvent compenser à court terme les besoins croissants en matières premières vierges.

Les marchés financiers ont intégré cette nouvelle donne avec l’émergence de primes de risque géopolitique permanentes. La volatilité exceptionnelle observée cette semaine, avec des hausses de prix allant de 8% pour le lithium à 42% pour le terbium, préfigure un environnement durablement instable où la prévisibilité des approvisionnements devient elle-même un enjeu de souveraineté nationale.

Cette semaine inaugure ainsi une nouvelle ère de l’économie mondiale où les minerais critiques transcendent leur fonction industrielle pour devenir des instruments de puissance géopolitique. La capacité des acteurs occidentaux à naviguer dans cet environnement de plus en plus fragmenté et imprévisible déterminera les nouveaux équilibres de pouvoir dans les décennies à venir. L’urgence de la diversification, bien que reconnue, se heurte aux réalités économiques et temporelles qui favorisent encore largement la position dominante chinoise.

Références

Voir aussi